Comme son nom l’indique, l’Ordre du Carmel est né géographiquement au Mont Carmel, lieu marqué par la présence du prophète Élie (IX ème siècle avant Jésus-Christ) dont l’histoire est relatée dans le livre des Rois (1R 17-19.21-2R 2).

C’est au Mont Carmel qu’eut lieu la célèbre dispute avec les prophètes de Baal, qui marqua la puissance de Dieu sur les dieux étrangers (cf. 1R 18).

Au début du XIIIe siècle, les ermites qui vivaient dans cette montagne, près d’une source appelée source d’Élie, reçurent leur Règle du patriarche de Jérusalem, Albert. Ce texte traduit bien l’idéal monastique que la tradition patristique a transmise à travers la figure d’Élie : celui-ci est l’archétype du moine, par sa vie pauvre, son célibat, l’épreuve du désert avant la rencontre avec Dieu.

N’ayant pas de fondateur, les Carmes ont trouvé en Élie leur guide et leur Père ; ils ont retenu comme devise ses deux cris qui résument l’idéal carmélitain : « Il est vivant le Seigneur devant qui je me tiens ! » (1R 17,1 ;18,15) et « Je brûle de zèle pour le Seigneur, Dieu de l’univers ! » (1R 19, 10.14)

 

Présence à Dieu

Toute la vie d’Élie baigne dans la prière au Dieu vivant d’Israël ; aussi l’épître de saint Jacques propose-t-elle Élie comme modèle des priants (Jc 5, 17-18). Plusieurs auteurs spirituels des IVe-Ve siècles ont évoqué le sacrifice d’Élie au Mont Carmel pour exprimer la venue de l’Esprit dans le cœur de celui qui cherche à vivre dans la prière continuelle à travers l’ascèse et le combats spirituel. L’attitude du prophète, assis sur la montagne (2R 1, 9) ou prosterné, la tête entre les genoux (1R 18, 42), reflète une vie de prière, concentrée en Dieu, dans le calme intérieur, au-dessus des passions et des soucis du monde.

A l’Horeb, après une longue marche de quarante jours et quarante nuits, avec pour seule nourriture le pain et l’eau apportés par un ange, Élie rencontre Dieu, dans le silence, expérience à laquelle aspire tout chercheur de la Face divine. La familiarité d’Élie avec Dieu, sa puissance sur l’eau et le feu, la vie et la mort, témoignent de la profonde intimité avec le Dieu vivant devant lequel il se tient. L’ascension du prophète dans un char de feu est une image de la montée spirituelle vers Dieu.

Sur la montagne de la Transfiguration, devant les apôtres Pierre, Jacques et Jean, Élie apparaît avec Moïse dans la lumière glorieuse du Christ.

A l’instar du prophète, la vocation du Carmel est de se tenir en présence du Dieu vivant, c’est-à-dire veiller dans une prière continuelle, silence et dialogue d’amour, contemplation du Dieu vivant et intercession pour le monde.

Zèle apostolique

A deux reprises, le Seigneur demande à Élie ce qu’il fait à l’Horeb et celui-ci proclame à chaque fois son zèle brûlant pour le Seigneur. Le prophète souffre de voir son peuple honorer de faux-dieux et veut le ramener vers le vrai Dieu. La rencontre de Dieu à l’Horeb ne s’arrête pas à une jouissance théophanique : Élie est envoyé oindre les rois et le prophète Élisée.

Le Carmel, héritier du zèle d’Élie, en reçoit une flamme œcuménique et missionnaire. C’est le cœur broyé devant la division des chrétiens, qu’au XVIe siècle, sainte Thérèse d’Avila a entrepris la réforme du Carmel ; aujourd’hui, c’est ce même élan missionnaire qui rayonne à travers le récit d’une carmélite de Nancy qui partit au Carmel de Tchung King en Chine en 1933, puis expulsée, revint en France et y fonda en 1974, un Carmel, consacré à la prière pour l’Unité des chrétiens et qu’elle plaça précisément sous la protection du prophète Élie qui rassemble dans son culte juifs, chrétiens et musulmans (cf. Mère Élisabeth. Partir, Monastère Saint Élie, Saint Rémy, 1998).

Solitude et paternité spirituelle

A travers la figure d’Élie, le Carmel a reçu deux notes caractéristiques : le goût de la solitude, du silence où Dieu parle au cœur et le sens de la paternité spirituelle.

Ainsi le commentaire de l’épisode d’Élie au torrent du Kérith par l’auteur de l’Institution des premiers moines au Moyen-Age a exercé une profonde influence au Carmel : sur l’ordre de Dieu, Élie fuit au désert pour vivre caché dans la solitude et la charité avec un double but : « offrir à Dieu un cœur pur (…) et expérimenter la force de la divine présence et la douceur de la gloire d’en-haut ».

Les premiers textes carmélitains, à la suite de la Bible et des Pères de l’Église, évoquent conjointement Élie et son disciple Élisée qu’il a appelé à le suivre (1R 19, 19-21) et à qui il lègue son manteau avec son double esprit au moment de son enlèvement (2R 2,13). Les premières constitutions des carmes font remonter les origines de l’Ordre « aux prophètes Élie et Élisée, dévots habitants du Mont Carmel ».

La liturgie carmélitaine fête les deux prophètes aux mêmes dates que le calendrier byzantin : Élie, le 20 juillet et Élisée, le 14 juin.

Bibliographie

  • Élie le prophète, Études Carmélitaines, Paris, 1956, 2 vol.
  • Le saint prophète Élie d’après les Pères de l’Église, Bellefontaine, 1992.
  • Sr Éliane, Élie archétype du moine, Bellefontaine, 1995.